Tablettes à l’école : où l’on parle d’Educrak, d’agenda scolaire et du poids du savoir

 

Résumé pour les pressés :
Le 24 septembre dernier s’est tenue la manifestation Educrak « Tablettes à l’école, la quête du contenu », organisée par le Crak, l’association des éditeurs numériques Jeunesse – que j’ai le plaisir de présider par ailleurs. Retour d’un point de vue purement souristique, sur l’événement et sur des hasards associés qui semblent montrer que le numérique c’est encore ésotérique.

 

 

#Educrak

Ça y est, Educrak 2014 s’est terminé ! Les cartables cependant sont loin d’être bouclés et la rentrée (numérique) à peine entamée en France. Pourtant, la volonté politique s’affirme. La Souris Grise était partenaire de la journée Tablettes à l’école, la quête du contenu, qui s’est tenue le 24 septembre dans l’école de Gobelins.  Et de mon côté, je modérais la journée en tant que présidente de l’association du Crak, avec Sophie Maréchal, journaliste spécialiste des collectivités et du numérique.
Mon avis exprimé n’est ici que souristique. En quelques jours, il s’est passé beaucoup de choses. Il faut que je vous raconte cet ensemble d’événements, d’échanges, d’éléments  qui au final sont bien symptomatiques du chantier numérique en France.

Tablettes à l'école 2014 copyright CRAK

copyright Crak

Tout d’abord, il y a eu Educrak. Pour la seconde fois, l’association des éditeurs numériques Jeunesse a rassemblé pendant une journée entière des communautés qui ne se parlent pas aussi facilement qu’on pourrait l’imaginer : les collectivités, les entrepreneurs, les acteurs du numérique scolaire, les ministères et les enseignants.

Educrak, c’est une journée un peu dingue qui s’organise avec l’aide de multiples partenaires : GobelinsCanopé , Cap DigitalLe Labo de l’éditioné.l@bLa Caisse des DépôtsMicrosoft EducationStantumles éditions WekaEducavoxLudomag et La Gazette des communes.
C’est une journée dense !  En un temps court, on a écouté des exemples d’expérimentations de tablettes en classes, des témoignages d’entrepreneurs, on a vu des démonstrations d’applications innovantes, et on a entendu les positionnements des deux ministères, Éducation Nationale et Economie. Si le sujet vous intéresse, vous pouvez revoir ici l’ensemble de la journée qui a été filmée.

 

Volonté politique

Tout d’abord, côté politique le discours est unanime : le numérique à l’école c’est important, très important. Jusqu’avant l’été, un certain planning avait été fixé : un grand plan numérique à l’école, mené tout  à la fois par Arnaud Montebourg et Benoit Hamon, devait être annoncé à la rentrée. Et tout le monde s’attendait à un volet concernant l’aide aux équipements des établissements en passant par les collectivités.

copyright Crak

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Pendant l’été, une tempête ministérielle a eu lieu mais le plan, non encore entièrement dévoilé, a été évoqué par le président de la République lors de la rentrée scolaire. François Hollande a parlé d’un plan Tablettes pour les collèges et pour la rentrée 2016.

Un autre rapport était également attendu de la sphère e-éducative, celui-ci mené par le Conseil National du Numérique. Il vient tout juste de sortir, fort joliment baptisé « Jules Ferry 3.0, Bâtir une école créative et juste dans un monde numérique ». Vous pouvez le lire en détail ici sur le site du CNN,

Lors d’Educrak déjà, on avait sondé le vent. Catherine Becchetti-Bizot, directrice du numérique pour l’éducation au Ministère de lÉducation Nationale, a affirmé que le Ministère de l’Éducation Nationale est « engagé dans de nombreuses expérimentations (…) depuis 2010, date de l’introduction des supports mobiles à l’École. Nous avons recensé plus de 100 000 tablettes en expérimentation ou en déploiement dans les établissements scolaires. » 

Et Axelle Lemaire, secrétaire d’État à l’économie numérique, a réaffirmé la volonté du gouvernement de porter le numérique à l’école. « La question du numérique à l’école se trouve aujourd’hui tout en haut de l’agenda politique de notre pays. Le numérique à l’école c’est pour moi la preuve que la République numérique est en marche. C’est un pas décisif pour notre pays, pour son entrée dans la modernité (…). Notre priorité concerne les ressources, les contenus et les logiciels qui sont sources de valeur et seront exportables et réutilisables », a-t-elle assuré, indiquant qu’il fallait permettre aux éditeurs de « proposer de nouveaux contenus, plus innovants, plus disruptifs, et de constituer un catalogue compétitif dans la concurrence mondiale. » 

 

Petits mots de la journée

Au-delà des volontés et expérimentations, j’ai retenu pour ma part des petites phrases glanées de-ci de-là pendant la journée ou bien en ligne sur le fil #educrak.

dog on the phone

Des étonnements : Ah bon vous êtes français ? Ah mais il y a de l’innovation ici alors !
Des gens s’insurger : Vous mélangez les genres, rien de bien neuf, c’est juste un exerciseur porté à l’écran.
Des souhaits : Les enfants ne vont faire qu’apprendre désormais avec ces outils. Préservons le rêve !
Des inquiétudes : J’ai un projet d’application éducative mais quand je vois la difficulté de se faire déjà connaître sur le marché francophone, j’avoue que je ne suis plus sûre.
Des mensonges : Bien sûr, nos livres numériques sont utilisés par 30% des enseignants.
Des vérités : Le marché n’est pas mature certes mais le potentiel gigantesque, tant au niveau national qu’international. 

Le chantier qui s’ouvre effectivement est énorme : les enseignants ont besoin de formation, l’Éducation nationale a besoin de curation, les entrepreneurs ont besoin de soutien, car les innovateurs sont souvent les plus petits et logiquement les plus fragiles financièrement – ce qui ne veut pas dire des subventions à gogo mais des leviers, des tremplins pour se faire connaitre. Et les enfants ont besoin d’utiliser l’agilité de leur esprit pour apprendre à décoder, réfléchir synthétiser, prendre de la distance, classifier, apprendre et découvrir.

 

De Gobelins à Numa

Agenda scolaire

Lundi dernier, quelques jours donc après le grand remue-méninges d’Educrak, j’ai eu le plaisir de participer à un Mobile Monday à Numa consacré à l’apprentissage. En fin d’intervention, des parents enthousiastes et avertis sont venus me voir. On discute bien sûr du sujet du numérique  à l’école et ils me demandent si je connais l’agenda qui a été distribué dans les classes de CM2 cette année aux élèves parisiens. Non, je ne connaissais pas.

Tous les ans un agenda est offert aux élèves parisiens de CM2. Le projet est porté par la Ligue contre le cancer et permet de diffuser directement aux enfants des messages de prévention, par exemple sur la cigarette, la nécessité de faire du sport pour être en forme ou encore la vie en commun. Excellente initiative en l’occurrence.
Cette année, le thème apparemment était l’addiction aux jeux vidéos, et surtout les jeux chronophages en réseau : excellente initiative également, assurément.

Hélas, le résultat quand je l’ai découvert, m’a fait bondir. Il s’agit de dessins et de textes faits par les enfants. Sur la première page, on voit le message principal avec un très beau dessin d’enfant qui l’illustre : « Si tu regardes trop les écrans, tu deviendras dépendant. » Un peu rapide comme conclusion, non ? Comme si tous les écrans et tous les usages se valaient. On peut lire également sur une autre page « Ne fais pas comme elle [qui regarde les écrans], ne gâche pas ta vie ». Et la thématique se poursuit ainsi de clichés en clichés. Certaines bonnes idées pourtant sont à souligner pour leur qualité : comme la grille proposée aux enfants pour calculer leur temps-écran de la journée.

 

Ode anti-écrans

Mouse and cheeseMais d’une manière générale, on est là face à une telle réduction de la question numérique que je suis soufflée de voir qu’elle puisse être diffusée sans filtre dans les écoles. Sans connaître le contexte de départ –  la volonté louable de sensibiliser à l’addiction de jeux vidéos inadaptés – on perçoit cet agenda comme une véritable ode anti-écrans.

Pendant que toute la communauté éducative se demande comment accélérer l’introduction des tablettes à l’école et tirer profit d’un point de vue pédagogique des atouts du numérique, on distribue dans les classes de la capitale un agenda qui explique aux enfants que les écrans, c’est mauvais et anti-éducatif. Hum, hum. Ça vaut son pesant de gruyère n’est-ce pas ?

 

 

Le poids du savoir

Le lendemain, à la sortie de l’école, j’ai rajouté une petite dimension pratique à cette avalanche de contradictions. J’ai posé un cartable sur la balance : 4,650 kg de savoir. Je ne suis pas sûre que cela soit si bon que cela pour la santé des enfants le non numérique…

student girl playing with tablet pcÇa y est, vous savez tout : en une  semaine finalement, tous les sujets ont été abordés. La difficulté des éditeurs pertinents à se faire connaître, la volonté politique qui a du mal à s’appliquer, la diversité de l’avancée de la réflexion numérique en fonction des régions, établissements, responsables, enseignants, l’agacement des parents constatant que rien ne bouge à l’école, la bonne foi transformée en mauvaise par méconnaissance.

Comme diraient les enfants : on fait quoi maintenant ?

En attendant le prochain Educrak, le 25 septembre 2015, je lance un appel à la Mairie de Paris pour échanger sur l’importance d’une médiation adaptée auprès des parents, des enfants et des enseignants.

Parce qu’au final, tout le monde souhaite la même chose : un numérique intelligent et raisonné.

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